Par Caroline Jacquot, le 23 juin 2016

La loi sur l’information à la parentèle : pourquoi et comment informer ses proches?

Toute analyse génétique a pour but principal de porter ou de confirmer un diagnostic chez un malade. Elle peut également être réalisée dans le cadre d'un diagnostic présymptomatique ou d'un conseil génétique d'apparenté(s).La mise en évidence d’une cause génétique ne va pas concerner que ce malade. Poser un diagnostic va apporter des réponses à des symptômes et des souffrances, d’adapter la prise en charge… mais cela va soulever une autre question : nos proches, sont-ils concernés ?

En effet, nous héritons notre patrimoine génétique à moitié de chaque parent, nous le transmettons pour moitié à nos enfants… et nos frères et sœurs ont un quart de patrimoine génétique en commun avec nous ! Par conséquent, lorsqu’une analyse génétique est proposée,à un malade ou à un apprenté, le médecin doit informer le malade (et ses parents pour les mineurs) que la famille devra être avertie si une anomalie génétique est décelée. Au regard de la loi, les médecins doivent prévenir leurs patients de la portée familiale des tests génétiques.

La loi encadre « l’information à la parentèle », autrement dit, les informations que doivent recevoir les apparentés (frères, sœurs, enfants, parents mais aussi les apparentés plus éloignés, s’ils sont concernés) lorsqu’une anomalie génétique est décelée. Cette loi implique que le malade doit informer ses apparentés ou autoriser le médecin à les contacter anonymement. Lorsque le contact par le médecin est choisi, la lettre envoyée aux apparentés garantit le secret médical : ni le nom de la maladie ni la personne concernée ne sont citées. De ce fait, ce courrier peut être angoissant pour les gens qui le reçoivent… mais est une bonne alternative lorsque les liens familiaux ne permettent pas un dialogue serein.

L’idéal pour les proches est que l’information vienne de vous. Mais apprendre que l’on est atteint d’une maladie génétique ou que la maladie de son enfant est génétique est déjà un traumatisme. Il est donc tout à fait normal d’avoir du mal à en parler. D’un autre côté, ce désir de protéger et d’informer ses proches est bien là et soulève bien des questions : comment leur annoncer ? Qui faut-il informer ? Que leur conseiller ?

Il ne faut pas hésiter à poser toutes ces questions au médecin ou au conseiller en génétique qui vous a pris en charge, mais voici quelques réponses générales :

 

Qui dois-je informer ?

Toutes les maladies génétiques ne se transmettent pas de la même façon et le mode de transmission peut conduire à ne tester que certaines personnes. En règle générale, les enfants, les frères et sœurs et les parents du malade sont les premiers chez qui un test va être proposé. A noter que selon la maladie, ces tests ne seront proposés qu’aux personnes majeures. Néanmoins, cela sera précisé au cas par cas

 

Que dois-je leur dire ?

Vos proches sont probablement déjà informés de votre maladie ou de celle de votre enfant. Il faut donc leur dire que cette maladie est génétique et que, de ce fait, ils peuvent être concernés également. Cela ne veut pas dire qu’ils seront forcément malades, mais qu’ils peuvent savoir s’ils sont à risque d’être malade et/ou d’avoir un enfant malade.

Selon la maladie, faire ce test permettra de leur proposer une surveillance adaptée voir d’envisager un diagnostic prénatal dans certains cas. Cela dépend bien évidement de la maladie, de sa gravité et de la façon dont elle se transmet.

Il faut donc leur conseiller de discuter de tout cela avec leur médecin traitant ou, mieux encore, de se rendre directement dans un service de génétique qui pourra répondre à toutes leurs questions (il en existe dans toute la France).

 

Quelqu’un peut-il m’aider à expliquer cela à mes proches ?

L’ensemble de l’équipe de génétique est là pour vous aider à vous préparer à transmettre cette information. N’hésitez pas à demander à revenir en consultation, auprès d’un médecin, d’un conseiller en génétique ou de la psychologue pour poser toutes vos questions. Nous pourrons également vous remettre des documents pour vous aider ou vous conseiller des livres pour les plus jeunes. Certaines équipes organisent aussi des groupes de paroles (entre malades, pour les parents ou les frères et sœurs d’enfant malade,…).

Nous pouvons également vous mettre en contact avec des associations, afin de rencontrer d’autres familles et de bénéficier d’un temps d’écoute extérieur à l’hôpital.

 

Dois-je donner des documents à mes proches ?

Une copie de votre résultat vous a été remis en consultation de génétique et un courrier vous a été adressé, qui résume l’impact de ce résultat. Vous pouvez transmettre ces documents à vos proches, surtout s’ils consultent dans un service de génétique autre que celui qui vous a pris en charge.

En effet, pour une même maladie, plusieurs anomalies peuvent être en cause et plusieurs laboratoires en France peuvent rechercher ces anomalies. Pour réaliser des analyses chez vos proches, la copie de votre résultat est donc absolument nécessaire. Ce document résume où les analyses ont été faites, quel est le gène ou le chromosome impliqué et la ou les anomalies à rechercher chez vos proches.

Si vous ne souhaitez pas transmettre ce résultat à vos proches, nous pouvons le transmettre à l’équipe de génétique qui les prendra en charge. Si vos proches consultent dans le service qui vous a pris en charge, l’équipe aura déjà tous les documents nécessaires dans votre dossier.

 

Que va-t-on dire à mes proches s’ils vont en consultation de génétique ?

Les risques d’être malade ou d’avoir un enfant malade, les conséquences de cette maladie, éventuellement les mesures de surveillance et de prévention… toutes ces informations seront expliqués à vos proches, mais en respectant le secret médical. Autrement dit, votre état de santé (ou celui de votre enfant) ne sera pas commenté à vos proches et ils n’auront pas d’accès à votre dossier médical.

Si vos proches consultent dans un autre centre de génétique, nous pourrons adresser (avec votre accord) une copie de votre résultat d’analyse génétique à ce service (comme expliquer plus haut, cela est absolument nécessaire pour pouvoir proposer un test aux membres de votre famille). Vos proches n’auront alors pas accès à ce résultat.

 

Puis-je connaitre le résultat de mes proches ?

Les services de génétique sont tenus au secret médical : seuls vos proches peuvent choisir de vous informer ou non de leurs résultats. Il est cependant logique de se sentir frustré de ne pas avoir leurs résultats, quand la loi vous oblige à donner le vôtre pour les protéger…

Mais vos proches, s’ils sont porteurs de la mutation génétique, seront à leur tour dans l’obligation d’informer leurs enfants par exemple.

 

Certains de mes proches ne veulent pas faire de test génétique : que puis-je faire ?

Vous avez déjà fait tout ce qu’il fallait : en les informant de votre résultat, vous leur aurez permis de savoir qu’ils pouvaient bénéficier de conseils et d’une prise en charge adaptée en consultant auprès d’un service de génétique. Vous avez donc fait une démarche très difficile et altruiste, mais vos proches sont libres de ne pas y donner suite. Vous pouvez simplement leur conseiller de parler de cela avec leur médecin.

Sachez cependant que, parfois, cette réaction de refus est temporaire : vos proches consulteront peut-être plus tard, quand ils auront pris le temps de réfléchir à cette démarche.

Ces réponses sont bien entendue très générales et chaque famille est très différente. Gardez toujours à l’esprit que les équipes de génétique ou les associations peuvent apporter des réponses à vos interrogations et vous aider à informer vos proches, car cette démarche est nécessaire, certes, mais difficile.

Enfin, si la loi impose d’informer vos proches, elle vous laisse le droit de choisir le moment (attendre que les enfants soient plus grands, profiter d’une réunion où toute la famille est rassemblée…) et le moyen de le faire (envoyer un courrier à certains, en parler directement avec ceux dont vous êtes plus proches, charger un cousin d’informer ses frères et sœurs…).

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