Par Sixtine Jarde, le 22 septembre 2016

Expérimentation à l’hôpital Necker-Enfants malades : anticiper les ruptures de prise en charge médico-sociale d’enfants atteints de maladies rares.

L’annonce du handicap d’un enfant est un moment de grande douleur. La maladie de l’enfant engendre souvent un contexte de grande vulnérabilité qui frappe tous les membres de la famille. Il existe des particularités dans l’accompagnement médico-social d'un enfant atteint de maladie rare. Ce dernier peut alors être suivi dans un centre de référence. Ces centres experts facilitent le diagnostic et définissent une stratégie de prise en charge thérapeutique, psychologique et d’accompagnement social.

Le parcours d’un enfant atteint de maladie rare peut être générateur d’un certain nombre de ruptures dans la prise en charge sociale, elles peuvent être d'ordre scolaire ou rééducationnel. Deux facteurs médicaux peuvent être à l’origine de ces ruptures : la rareté et la méconnaissance des différents aspects de la maladie par les acteurs sociaux et médico-sociaux. Ces dernières peuvent entraîner un retard dans le recours aux dispositifs d’aide.

Cinq grands groupes de pathologies sont concernées par l’expérimentation : syndrome de Prader-Willi, syndrome Pierre Robin et troubles de succion-déglutition congénitaux, syndromes de Rett et d’Angelman, maladies osseuses constitutionnelles, malformations anorectales et pelviennes.

Ils ont été sélectionnés car ils sont considérés comme complexes, sévères, chroniques et avec une lourde prise en charge au quotidien. Ces pathologies complexes engendrent un isolement de la famille et peuvent conduire à des ruptures dans la prise en charge sociale. Le rôle de l’assistant social est primordial pour prévenir l’isolement et anticiper les ruptures de prise en charge en coordonnant l’ensemble des professionnels intervenant auprès de l’enfant et sa famille. L'assistant social doit veiller au travail d'équipe et de partenariat tout en étant vigilant quant aux informations qu'il peut divulguer.

 

L’expérimentation

À l’hôpital Necker, l’expérimentation a débuté en février 2015 et se terminera en janvier 2018.  Issue d’une réflexion entre la fondation Groupama pour la santé et l’hôpital Necker-enfants malades, elle doit répondre à l’axe médico-social du 2e plan national maladies rares.

La coordinatrice du projet et les assistantes sociales proposent à 50 familles un accompagnement social approfondi, de qualité et de proximité. Les motifs d’inclusion se déterminent suivant plusieurs critères (médicaux, degrés d’isolement, socio-économiques, scolaire,…)

L’équipe développe, selon les besoins des familles, des outils innovants qui pourront être généralisés à l’ensemble du parcours des familles dont l’enfant est atteint de maladies rares.

 

Spécificités de l’accompagnement social des enfants atteints de maladies rares

De nombreuses familles sont confrontées à des problématiques spécifiques et occasionnées par la maladie rare. La maladie désorganise le système familial et la vie sociale. D'après l'observatoire des maladies rares Info Services 2015, la durée entre les premiers symptômes et le diagnostic est de 4 ans.

La famille s’inscrit alors dans un contexte de grande vulnérabilité due à la maladie mais aussi le plus souvent à l’éloignement géographique entre le centre de référence et le domicile. Les parents sont alors épuisés par le rythme des hospitalisations et les examens médicaux à répétition. Un nouveau mode de garde doit être organisé pour la fratrie.

L’impact se manifeste également sur le plan économique. Il n'est pas rare qu'un des deux parents soit obligé d'arrêter de travailler ou de réduire son temps de travail afin d'effectuer les soins. Les frais de transport et d’hébergement pour les parents lors de l’hospitalisation de leur enfant peuvent également s’ajoutent aux charges courantes et augmentent les dépenses.

Sur le plan social, le temps alloué, à la maison ou à l’extérieur, aux loisirs de l’ensemble des membres de la famille diminue considérablement. La famille planifie les activités en fonction du rythme et des soins de l’enfant malade. Ses horaires sont souvent dépendants de ceux ceux de l’enfant. Les autres activités s'organisent au conditionnel. De plus, les sorties de couple ou entre amis sont des occasions rares.

 

Le cadre de l’intervention

Dans le cadre de l’expérimentation, nous avons créé un guide d’entretien standardisé pour le premier entretien effectué par l’assistant social. Ce guide est destiné à recueillir les informations sur l’histoire de la famille, son quotidien, sa vie sociale, l’entourage à proximité du domicile et le soutien dont elle a besoin.

Cette première évaluation permet de repérer d’éventuelles modifications et des risques d’isolement. Elle permet d’identifier la structure familiale de l’enfant et la condition psychologique des membres de la famille afin d’identifier les besoins et de solliciter les professionnels pouvant offrir une aide indispensable dans le parcours de vie de cette famille.

Ce premier entretien va permettre d’élaborer un plan d’intervention individualisé. Trois éléments nouveaux sont introduits dans le guide :

  • Prioriser avec la famille l'accompagnement social futur en télé-entretien ;
  • Évaluer la compréhension de la famille sur son parcours;
  • Proposer un calendrier de rencontres.

 

Création d’outils : Anticiper les points de ruptures

La maladie peut être génératrice d’un certain nombre d’étapes clés, susceptibles de devenir des ruptures dans le parcours. Les soins à effectuer peuvent être complexes et donc difficiles dans l’organisation scolaire et familiale. Ils peuvent constituer un frein à la scolarisation. L’entrée en primaire, au collège, l’insertion professionnelle sont autant de freins. Ainsi de nombreux enfants sont orientés vers une scolarité spécialisée. Cependant, celle-ci n'est pas toujours adaptée lorsque la maladie est mal reconnue et lorsque les symptômes sont multiples.

 

Le carnet de liaison

Pour éviter ces ruptures de parcours de vie de l'enfant, il est primordial de travailler en équipe avec la famille afin qu'elle reste actrice de son parcours. Au sein d’un hôpital pédiatrique, chaque professionnel travaille en parallèle pour un objectif commun : le mieux-être de l’enfant et sa famille face à une maladie invalidante.

Nous proposons un outil facilitant les rapports entre les professionnels médico-sociaux, dans et à l’extérieur de l’hôpital afin de permettre une meilleure coordination des acteurs. C’est un outil collaboratif qui doit favoriser l’autonomie des patients. Il permet de fluidifier les échanges et les circuits des informations nécessaires à l'amélioration de la prise en charge des patients, de consolider l’offre d’accompagnement social dans un contexte de fragilité et de rareté de la maladie. Il s’agit de décloisonner l’existant en s’appuyant sur les dynamiques régionales, territoriales et les engagements locaux des acteurs.

Il est en cours d’expérimentation à Necker mais aussi dans un CHU et une halte-garderie d’enfants atteints de maladies rares.

 

L’équipe multidisciplinaire vers l’intervention interdisciplinaire et partenariale

L’interdisciplinarité favorise le développement de valeurs communes d’intervention. Elle assure la cohérence des services dispensés par l’hôpital et le maintien de leur qualité. Ce travail en équipe permet d’enrichir les connaissances de chacun.

Lorsqu’une situation devient difficile à prendre en charge, le soutien mutuel d’autres professionnels s’avère extrêmement rassurant. L’intervention interdisciplinaire maximise l’efficience des interventions des professionnels. Le partenariat fait également partie du rôle de l’assistant social pour éviter les ruptures de prise en charge à la sortie d’hospitalisation. Ce travail en équipe et partenarial ne doit pas occulter un élément essentiel au travail social : le secret professionnel.

 

Le projet s’articule autour des partenaires associatifs, la CNSA, les filières de santé maladies rares, l’Espace Necker maladies rares et chroniques et les établissements médico-sociaux.

 

Vidéo de présentation de l’expérimentation

 

Pour lire le communiqué de presse

Pour contacter Sixtine Jarde (chef de projet, hôpital universitaire Necker-Enfants malades)

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