Par Céline Vernin et Françoise Neuhaus, le 20 janvier 2016
La remédiation cognitive : une méthode de prise en charge de plus en plus adoptée
Les personnes atteintes de déficiences intellectuelles présentent des altérations de leurs fonctions cognitives. Ces fonctions permettent de communiquer, de percevoir et d’interagir avec l’environnement, de se concentrer, de se souvenir d’un événement ou d’acquérir des connaissances.
De fait les personnes atteintes de troubles cognitifs manifestent des difficultés au niveau du langage, de la lecture, de l’écriture, de l’autonomie, des relations interpersonnelles, de l’estime de soi, de la capacité à suivre la loi et les directives ainsi que dans l’accomplissement des activités de la vie quotidienne. Quel qu’en soit le degré, ces déficits nuisent à l’insertion sociale et/ou professionnelle des personnes.
La remédiation cognitive est une méthode de prise en charge qui vise à restaurer des fonctions cognitives défaillantes ou à développer des stratégies alternatives, ce qui se traduit par l’augmentation de l’autonomie et l’amélioration de la qualité de vie des personnes. Cette méthode s’inscrit dans une perspective de réhabilitation sociale et doit viser l’atteinte d’un objectif concret pour la personne dans sa vie quotidienne. Elle se pratique en séance individuelle ou groupale.
Une prise en charge en remédiation cognitive implique la réalisation d’un bilan neuropsychologique afin de déterminer les forces et les faiblesses cognitives de la personne. En effet, la remédiation cognitive repose sur le développement de stratégies alternatives qui sont propres à la personne et qui vont lui permettre de contourner ses difficultés. Cette approche explique que la remédiation cognitive n’est pas un simple processus d’apprentissage.
Chaque programme est individualisé par le thérapeute et nécessite, pour chacune des personnes, l’identification des ressources cognitives opérantes pour atteindre un objectif posé.
Différentes méthodes ont été validées en santé mentale telles que CRT (Cognitive Remediation Therapy)/ Recos / Gaïa, réalisées en séances individuelles ou groupées. Les modules entrainent notamment la mémoire verbale et de travail, le visuo-spatial, l’attention sélective et la vitesse de traitement. Ils s’adressent à des personnes susceptibles de prendre conscience des actions et de leurs conséquences, et inversement. La prise en charge doit être adaptée au profil cognitif de chaque patient. En effet ce traitement actif ne doit pas faire appel à des capacités supérieures et doit rester accessible à la personne. Cette prise en charge est « verbalisée » et requiert un niveau minimal de conscience. De plus la durée de l’entrainement nécessite un effort prolongé. De fait il est nécessaire de prendre en compte le niveau mnésique, langagier ainsi que la motivation de la personne avant de s’engager dans ce programme. Une prise en charge la plus précoce possible est souhaitable. Très peu d’études sont validées à l’heure actuelle dans la déficience intellectuelle ou les troubles mutli-dys. Certaines de ces méthodes nécessitent des aménagements spécifiques pour être proposées dans ces indications.
Le Dr Demilly a été, à Lyon, à l’initiative de la création d’un centre de dépistage et de prises en charge des troubles psychiatriques d’origine génétique (le centre GénoPsy) qui propose une évaluation complète du phénotype neurocomportemental des maladies rares afin d’appliquer plus précisément la remédiation cognitive. De nouveaux outils sont en développement, notamment chez les enfants, comme le programme « Cognitus et Moi » qui vise les sphères visuo-spatiales et attentionnelles, fortement impliquées dans les interactions avec autrui. Ce programme sera disponible à l’automne à Lyon et sera diffusé ensuite à d’autres centres.
Les résultats attendus se traduisent par une meilleure utilisation des ressources cognitives, Le but de la remédiation cognitive est d’améliorer la réalisation d’objectifs concrets dans le quotidien de la personne Par exemple, grâce à une amélioration de l’orientation, les personnes sont capables de sortir seules faire des courses avec une nette diminution de l’anxiété. Cette nouvelle offre de prise en charge donne un grand espoir aux patients. Elle favorise l’autonomie et l’adaptation des personnes qui peuvent ainsi envisager de nouveaux projets de vie.
Céline Vernin
Témoignage de Laura Neuhaus
« Le Dr Caroline Demily m’a proposé des séances de Remédiation Cognitive en 2011 et en 2014. Quand j’ai commencé la Remédiation Cognitive en 2011 j’étais alors très repliée sur moi-même, je ne voulais jamais sortir seule car j’avais toujours peur de me perdre et me sentais très stressée. Je ne faisais que des trajets très précis aller-retour de l’école à la maison ou du lieu de stage chez moi. Je ne savais pas planifier des tâches. Je ne réussissais pas à prendre part à des conversations. Les séances de Remédiation se faisaient avec une infirmière formée à ces soins. Il s’agissait de faire des exercices comme par exemple retrouver sur une liste de chiffres, les chiffres pairs / impairs et d’autres types d'exercices.
J’ai petit à petit réussi à mieux me repérer dans la rue et à me sentir plus confiante. J’ai mieux géré les situations comme la recherche des produits dans les rayons du supermarché, le paiement de mes courses à la caisse; je me suis sentie plus à l’aise, moins stressée.
Aujourd’hui je m’organise bien, j’ai conscience de mes capacités et j’essaie d’améliorer mes déficits ou de contourner mes difficultés. J’organise mon emploi du temps, kiné, travail en atelier protégé, médecins, courses. Je m’occupe de mon appartement. J’essaie de ne pas vivre stressée. J’ai beaucoup moins envie de faire tous les jours la même chose, je recherche de nouvelles activités, en cuisine de nouvelles recettes etc. J’ai toujours le soutien de ma famille mais je vis seule.
En faisant des exercices de reconnaissance des émotions, exercices de Remédiation en cognition sociale, en 2014, j’ai pris conscience de mes difficultés à communiquer.
Actuellement je suis bien insérée dans mon groupe de travail thérapeutique et commence à me faire quelques amis. Je réussis à mieux regarder les autres, les écouter, prendre la parole en attendant mon tour. J’ai retrouvé une vie sociale et suis plus autonome. Avant je paraissais très en retrait des conversations et en dehors de la réalité. Je ne suis plus comme cela je recherche au contraire des contacts avec les autres. Je retrouve la vie que j’avais avant de traverser cette période douloureuse de l’adolescence.
J’ai eu beaucoup de chance d’avoir la possibilité de suivre ce nouveau traitement qu’est la Remédiation Cognitive. »
Françoise Neuhaus
Liens utiles :
Association Francophone de remédiation Cognitive
Réseau / Structures :
http://www.remediation-cognitive.org/reseau
http://www.remediation-cognitive.org/uploads/afrc/RESEAU/Carte_remediation_cognitive_France_2015.pdf
Contact :
Dr Caroline DEMILY
GénoPsy
Centre régional de dépistage et de prises en charge des troubles psychiatriques d’origine génétique
Pôle Ouest - CH le Vinatier
95 boulevard Pinel
69677 BRON Cedex
Tél : 04 37 91 51 63
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