Par Anne-Sophie Lapointe et Céline Angin, le 2 mars 2017

La Banque Nationale de Données Maladies Rares : de CEMARA à BaMaRa

La Banque Nationale de Données Maladies Rares (BNDMR) vise à établir une collection de données homogènes pour l’ensemble des maladies rares en France. C’est une base de données nationale pour la santé publique. L’objectif est de recenser les personnes touchées par une maladie rare dans le système de soins hospitaliers des centres de référence et de compétences. Cette collection de données permettra ensuite de générer des indicateurs de santé publique, de surveiller l’évolution de la prise en charge et de l’état de santé des patients, mais aussi d’améliorer les connaissances épidémiologiques des maladies rares en France. Un autre volet sera aussi de faciliter la mise en place d’études afin de répondre à des questions précises de recherche. La BNDMR, de part son historique, sera naturellement compatible à la production de statistiques de santé publique européenne sur les maladies rares. La BNDMR sera aussi compatible avec des initiatives européennes de recherche comme RD-CONNECT.

La filière AnDDI-Rares a souhaité rencontrer Céline Angin, responsable du déploiement de BaMaRa pour la BNDMR.

Pouvez-vous vous présenter ?

Diplômée d’un Master de biologie et gestion, spécialisée en communication dans le domaine médical et scientifique et dans le web, j’ai travaillé 5 ans en tant que chef de projet en communication, infographiste et webmaster pour Orphanet. J’ai pu travailler en interaction avec les acteurs de la plateforme maladies rares, et j’y ai rencontré Rémy Choquet, directeur durant cinq ans de la BNDMR. Je travaille maintenant à la BNDMR depuis trois ans. J’ai tout d’abord été en charge de la communication et des échanges avec les centres maladies rares et leurs filières. Depuis le début de l’année, je suis responsable du déploiement de BaMaRa.

D’où est partie l’idée de la BNDMR ?

La BNDMR est un projet prioritaire sur PNMR2 qui vise à mieux comprendre les problématiques de prise en charge, de délai au diagnostic ou à accélérer la recherche dans les domaines des maladies rares. Pour se faire, compte tenu de l’hétérogénéité des affections, des organisations et les ressources limitées à notre disposition, il n’était pas possible d’imaginer mettre en place des collectes de données éparses, et complètes pour tous les patients. L’idée originale qui a été mise en œuvre dans CEMARA était d’homogénéiser une collecte de données minimale pour tous, et, selon les besoins et motivations de chacun, permettre de colliger d’autres données complémentaires à ce minimum plus précises.

Le projet BNDMR s’appuie donc sur une équipe qui était déjà en place à Necker : l’équipe du Pr Paul Landais. Cette équipe avait été sollicitée lors du premier plan maladies rares (PNMR1) par des centres de référence qui avaient des besoins en bases de données. Ils souhaitaient avoir un recueil pour pouvoir suivre leurs cohortes de malades. Les centres des anomalies du développement étaient membres du groupe de pilotage et étaient dans les premiers à participer. Paul Landais et son équipe ont alors développé CEMARA (Centre de Maladies Rares) qui a été construit sur un tronc commun et des pétales complémentaires financés par les centres de référence. Il y en a eu une dizaine dont un sur les déficits intellectuels, et une étude avec la CNSA qui est aujourd’hui terminée. Ces pétales sont des recueils de recherche assimilables à des cohortes.

Pourquoi a t’il fallu migrer de CEMARA à BaMaRa ?

CEMARA est une base relativement ancienne maintenant, tant sur le plan conceptuel que technique. BaMaRa intègre des nouveautés importantes comme l’auto-inscription des utilisateurs et la gestion des comptes par l’hôpital, des outils de visualisation des données pour le reporting règlementaire PIRAMIG, un module de feu tricolore statuant de la qualité des données recueillies, des nouvelles modalités de codage plus étendues, des nouveaux mécanisme de cryptage et de sécurisation des données aux dernières normes, une toute nouvelle interface plus simple avec des champs de recherche intelligents, etc. Il était aussi nécessaire d’améliorer le système pour qu’il puisse supporter la charge de données au niveau national. Nous avons déjà beaucoup de fiches maladies rares dans CEMARA (365 000 patients) et CEMARA n’est pas interopérable avec d’autres systèmes d’information comme les dossiers patients informatisés et les applications de spécialités en génétique (recueil de données de génétique dans le système hospitalier, DEFGEN…). BAMARA pourra naturellement s’intégrer au système d’information de votre hôpital afin de réduire votre charge de saisie.

Où sont abritées les données recueillies dans CEMARA puis dans BaMaRa ?

Ces données sont abritées à l’AP-HP qui est hébergeur agréé de données de santé, mais chaque centre hospitalier reste son propre responsable de traitement. A la différence de CEMARA qui est une base centralisée, il faut se dire qu’il y aura autant de bases BAMARA que d’hôpitaux. Les études multicentriques se feront dans la BNDMR et non dans BAMARA.

Comment se fait ce passage entre CEMARA et BaMaRa ? Quelle est l’articulation ?

Du côté de la BNDMR, nous avons travaillé sur les transformations de données de CEMARA pour qu’elles soient compatibles avec le nouveau format de BaMaRa. C’est un aspect très technique qui ne nécessite aucune intervention des utilisateurs. Les données dans BaMaRa seront codées dans des formats standards internationaux qui sont interopérables et permettront ainsi aux bases de données de mieux communiquer entre elles. Ces formats sont décrits dans le volet maladies rares du cadre d’interopérabilité des systèmes d’information en santé qui vient d’être publié par l’ASIP Santé.

Aujourd’hui, comment le travail de la BNDMR va alors se faire avec les centres pour assurer cette migration ?

Le travail avec les centres d’expertise va être notamment sur les codes « Orpha » car le thésaurus (liste alphabétique de mots standards utilisés pour le classement de la documentation) d’Orphanet a beaucoup changé depuis la version de CEMARA et avec l’évolution très rapide des diagnostics. Nous comparererons de manière automatique l’ancienne liste et la nouvelle liste des maladies rares d’Orphanet et regarderons les évolutions. Si d’anciens termes ne peuvent pas être retrouvés dans la nouvelle liste, nous allons travailler avec les filières de santé maladies rares et leur réseau de centres de compétences et de référence pour identifier quel est le bon code à utiliser pour ces termes. Les filières de santé coordonnerons ce travail avec l’équipe BNDMR et les centres.

Comment sont assurés les contrôles de qualité dans BaMaRa ?

Il y a des contrôles de qualité de données et de cohérence directement dans l’application BaMaRa. Pour les utilisateurs de CEMARA, un travail de data management en amont de chaque migration va être nécessaire pour être sûr que tous les dossiers patients seront bien migrés. Nous profitons de cette migration pour améliorer la qualité générale de la base CEMARA. Pour cela, la data manager de la BNDMR envoie un fichier qui va indiquer pour chacun des dossiers là où il y a un problème. Ce fichier Excel est envoyé aux personnes qui ont saisies les données dans les centres de référence ou de compétences. C’est une étape essentielle.

Quelles sont les dernières informations que vous pouvez nous donner pour la BNDMR ?

Un appel d’offre va sortir très prochainement, en avril, de la DGOS pour les hôpitaux pour l’adaptation des dossiers patients au format BNDMR. Le ministère souhaite que les hôpitaux, avec leurs directions et les DSI, intègre dans leurs dossiers patients un recueil maladies rares. Ce travail a commencé à se faire dans Orbis, dossier patient informatisé utilisé à l’AP-HP où existe une fiche maladies rares qui intègre le set de données minimum. Cette fiche est disponible pour l’instant à l’hôpital Bicêtre et semble bien fonctionner.

Les centres de référence et de compétences peuvent inciter leur direction à répondre à cet appel à projet. Ils pourront ensuite saisir au plus vite dans leurs dossiers patients ces données maladies rares. Cela permettra de faire moins de saisies, donc moins d’erreurs et ainsi une meilleure qualité de données à la fin dans BaMaRa. Il n’y aura pas à ressaisir toutes les informations d’identité car ce sera déjà dans le dossier patient. Les centres n’auront plus que la partie expertise maladies rares à intégrer.

Quel est l’objectif que vise la BNDMR dans les prochaines années ?

L’objectif de la BNDMR est d’avoir un aperçu du nombre de patients atteints d’une maladie rare en France, et de mieux connaitre leur parcours de soin et leur état de santé, grâce aux données de santé recueillies. Cela permettra de savoir si le réseau de soin de prise en charge est adapté aux patients mais aussi d’identifier des cohortes de malades sur la France qui pourraient être éligibles pour des essais cliniques. Les données de la BNDMR pourront être exploitées par les centres et filières en respectant les procédures qui seront mises en place pour garantir la sécurité et la traçabilité.

Qu’est ce qui pourrait se faire sur le plan médico-social ?

Il a déjà été discuté d’avoir des recueils de données complémentaires au set de données minimales : impacte de la maladie, qualité de vie…Ce n’est pas pour l’instant prévu dans l’application BaMaRa mais celle-ci peut s’adapter dans le temps. Quand la BNDMR pourra utiliser le NIR (Numéro d’Inscription au Répertoire, en France c’est le numéro de la Sécurité Sociale), cela permettra de rapprocher les données de la BNDMR de toutes autres bases de données nationales : le SNIIRAM (assurance maladie), le PMSI (Programme de médicalisation des systèmes d'information) à l’hôpital etc. Il sera alors possible de faire de grandes études médico-économiques, de parcours de soin voire d’observance thérapeutique et de pharmacovigilance.

 

Un grand merci pour cet échange et je salue l’engagement de votre équipe de la BNDMR qui accompagne chaque jour les filières de santé maladies rares, les centres de référence et de compétence. C’est cette co-construction avec tous les acteurs engagés dans les maladies rares qui donne du sens et de la cohérence au travail réalisé pour une meilleure connaissance des maladies et des malades.

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